prélude à l'oiseleur

DÉSIRER LA NUIT


Désirer la nuit où tout s'endort

La nuit
permission au désert
terrain vague
étang noir
d'où remontent
comme noyés oubliés
l'incertitude,
les doutes
les impudeurs fragiles.

Et cette liquidité de tout qui m'envahit
rivière interne dont je serais le lit,

cette eau fuyante, rapide, saisissante
qui me traverse,
les yeux fermés à la lueur des lampes,

que je traverse pour y plonger
en toute violence
poisson et femme
oiseau et carnassier
à la découverte...
profiljoiesolitaire

   Pas le temps de faire le tri trop d’urgence.
Je dis et je tripote les menus signes, les matières informes,
les débris durs,


   l’humidité glacée,
les bulles d’air moite

   et mon poing qui se ferme sur la finesse fluide
    d’une boue immémoriale,

   baiser ventouse où me surprend l’arête aiguë d’un cristal.

   La nuit, puissance secrète, où l’écart devient grâce.
                                                                                  suite...

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FRAGMENTS D’UNE DISPARITION

 Dans quel lointain es-tu perdu ?
Suspendu ou en plongée ?

 Je ne sais pas.
Je ne sais plus.

Lorsque je tente de respirer
 de sentir le comment du combat qui m’habite
 je ne fais que signaux et appels à l’amour
 obstinée que je suis à n’être qu’en naissant... 

Écrire est un assassinat du dialogue.
Que fais-tu pour m’assassiner, toi, sans jeu, les mains pauvres,
Alors que je puis naître encore ?

Et c’est l’angoisse au ventre, le dégoût, la nausée
La nef des fous, un océan d’absurde

Et si lasse d’être exposée.

Je suis d’ailleurs
À la cruauté policée du monde, vulgarité de sa violence
J’opposerai l’absence d’une disparition,
violence de ma délicatesse.

Le seul risque connu est celui que nous font encourir les lois qui servent l’Inerte.
La seule honte vraie : être arrêtée.

De l’Inerte au mouvement, du mouvement à l’Inerte, le tout est de n’être enregistré nulle part
 et le seul art réel est dans le comment de cet acte là.

Ne rien connaitre qui ne me soit corps.
Vivre, vivre en jouant, guidée par le désir.
Tout acte est un geste érotique.
J’ai refusé, depuis longtemps, la misère de certains actes.

J’ai négocié ma disparition
Je veux la liberté des bêtes.
                                                                                                                                     suite...

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SO WHAT ?

Tu ne m’as jamais dit que j’étais belle.
Ecartelée, brûlante, tu te joues,
d’un sourire,
à me faire ignorer les trésors de ma peau,
les gouffres de ta peur

Tu fais l’amour pour me calmer
Endormir ma révolte
M’obliger à ne pas t’échapper.
C’est ta façon à toi, de me trahir.

Tu veux mourir.
Tu n’as plus rien à perdre, puisqu’il n’y a plus rien que des hochets,
pour toi,
qui est si loin.
Et tu nargues les flics comme on nargue la mort
C’est la même chose, ça n’a pas plus de sens.

Enfant défait
Ton corps a grandi sans toi
La souffrance est terrible.

Tu n’es que l’apparence d’un homme
exposé aux vitrines de la rue
et contemplant d’autres vitrines
dont tu n’attends plus rien.

Tu dis que c’est foutu.
Que tu rêves vraiment
Et que c’est bien plus beau que ce sera jamais.

Tu ne pardonneras pas.
A qui ?
Tous s’en foutent.
Tu en crèves.

Je suis ton seul sursis, ton ultime ambition, ta lâcheté secrète      

 

SO WHAT ?
- suite -

D’accusé en victime, de seigneur en vaincu,
Je te vis te chasser tout seul du paradis
          et inventer l’enfer.
La haine, en toi, était au rendez-vous et le goût de la mort,
          en toi,
      l’avait rejointe.

Tu ne t’es pas tué. Tu mourais bien trop vite.
D’autres t’assassinèrent, à l’aube, en se faisant justice.
    Et tu étais d’accord.

    J’étais partie.
    J’avais disparu.
Le vertige me tissait un espace d’enfance
  hors de portée des champs de tir
Où bougeait doucement une femme
       
   inconnue.

suite...

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 THE SAME OLD STORY (suite)

Paris, beauté de pierres mortes, transfigure la nuit.
Les quais...
Arrivées vertigineuses sur les feux...

Le fleuve sommeille, scintillant et lourd.
La machine, monstre volé, soumise entre nos jambes.
Scintillement jaune du phare.
Notre silence et ce ronflement animal.

Champs Elysées...
Des motards de la police nous font signe.
Tu ralentis. Tu te rabats.
Ils s’approchent...

Mais au dernier moment -le vrai dernier moment-
avec une précision d’évadé tu t’arraches
    et on s’envole, littéralement.

En ce temps là, ils ne tiraient pas.
Cela viendrait, pour eux, nous le savions.
Comme cela, d’évidence,
pour jouir de l’ordre et de la mort.
Peut-être était-ce même là, pour nous,
    que ça viendrait ?
On s’en foutait, on n’avait pas le choix,
on pratiquait l’envol comme on vivrait ailleurs.

Oui tu l’écoutes, je vois ton pied bouger.
Nous sommes toujours au bord du pire.
Je t’excède, tu m’adores.

Réveil.
Silence.
Le soir tombe.
Une cigarette.
Emmêlés.
Un faux mouvement
et nous serons défaits.