N’être connus, ni reconnus
Disparaître dans le souterrain réseau des égaux
Etre le un à l’autre analogue
et non semblable
C’est dévoiler la multiplicité des richesses.
Le fait social est tel qu’être en vie c’est être invisible.
Le monde s’est saisi de tout ce qui se donne à voir
pour survivre
Vie-ersatz réduite, exsangue, à son seul spectacle,
ersatz du merveilleux
Et nous sommes fous d’être l’occulte d’un tel renversement.
Face au règne de l’ersatz brille, par intermittence, la lueur aveuglante
plantée dans le cerveau des fous
Lumière noire,
Car le Fou n’est pas seulement celui que la société suicide
C’est aussi celui que l’on ne voit pas,
celui qui est transparent,
dans son palais de cristal, hanté par la mémoire du monde.
Celui là prend conscience
de ce que le monde est répressif et pourquoi
de ce que cette répression établit elle-même les normes de sa contestation
où il n’est encore question que de prendre un pouvoir
ou de se mettre au service de...
et d’être ainsi séparés de nous-mêmes
par une fin qui nous dépasse.
Nous en donner les moyens
passe par la conscience de la cohérence de la répression
partout dans le monde.
Afrique, Asie, Europe, Amériques, toutes les guerres, toutes les prisons,
sont les pièces d’un même jeu de pouvoirs.
Si l’on refuse de jouer le rôle qui nous est assigné :
se taire et obtempérer,
Si l’on désire l’aventure quotidienne
C’est la mort lente de l’impuissance qui nous attend
ou l’abdication de conscience.
Il faut donc commencer par nier.
Nier que nous soyions nés pour autre chose qu’être nous-mêmes notre propre aventure.
Et il nous faut savoir
que c’est ici et tout de suite que cela commence.
C’est en quoi nous sommes tous analogues,
nous qui partons dès maintenant à la conquête de nos vies
Mais non semblables.
Car, si la répression n’utilise pas partout les même armes,
Si elle est géographiquement différenciée
et hiérarchisée
si elle est inégale,
Sa fin est partout la même :
maintenir les privilèges de quelques uns.
Et cette fin a besoin de ces inégalités de développement
pour entretenir un ordre
que certains peuples paient de leur peau
et un spectacle destiné
à nous faire oublier,
dans de vaines discussions
dans de stériles échauffements passionnels
que tout commence ici.
Et que ce qui se passe ailleurs
partout où l’on torture, humilie, blesse, méprise, affame et tue
ne se produit ainsi que parce que les arrières de toutes les répressions sont assurées ici et que,
chaque flic usant ici d’un pouvoir discrétionnaire
chaque politicien enrichi ici par la bêtise et l’irresponsabilité
chaque technocrate justifié ici par la servilité et par la peur
permet que soit une bombe de plus, un avion de plus, une armée de plus
et justifie ce quadrillage insensé
auquel on réduit les pays du tiers monde et les nôtres
Sous des dehors de bonhomie rassurante pour les imbéciles.
Car, quand ce n’est pas la guerre-terre-brûlée-génocide
l’aide technique n’est jamais qu’une verrue de plus sur la face dérisoire
des pleutres
placés là par les groupes de pression des pays “développés”.
Nous sommes tous colonisés.
Et l’alarmante raréfaction de l’air respirable
continue
Et les flons-flons grotesques de l’orchestre des morts-vivants
le sourire figé dans le masque
et les yeux glacés
ne couvrent plus le claquement des coups de feu, des coups de poing
et des tortures
ne masquent plus la cruauté mentale que nous font subir
à nous rendre complices -de fait-
ceux qui nous “dirigent”,
ce dont ils s’excusent
dérisoirement
en quelque discours puant le mensonge libéral
en goutte-à-goutte de subventions qui ne servent qu’à régler la pression
de la chaudière sociale
afin qu’elle n’explose pas...