Il était une fois un jeune homme comme tout le monde.
Tellement comme tout le monde qu'on ne le voyait pas.
Dans notre ville, les gens lettrés disaient de lui qu'il était... anodin... Les autres ne disaient rien ou ... Bof !... lorsqu'on insistait.
De toutes façons chacun vivait sa vie et Dieu sait si cette chose vous prend tout votre temps.
Il n'y avait, dans notre ville, que les enfants et les vieillards pour s'étonner des choses. Les uns par découverte les autres avec regrets... Mais ça semblait normal et personne n'y prêtait attention.
"On avait bien le temps de découvrir et on aurait bien le temps de regretter", voilà pour la morale communément admise.
Quant à ce qui allait de travers, il y aurait toujours des explications.
On s’occupait. Tellement, très fort, le plus possible... D’abord tout seul. Ensuite les uns les autres. Il y avait tant à faire pour exister, être vu, ne rien rater, qu’on n’avait plus le temps de Rien…
Si bien qu’un jour, quand ce jeune homme disparut, personne ne s’en aperçut.
Et, sans y prendre garde, on l’oublia.
À l’exception peut-être de cette vieille dame qui fut la seule à s’étonner d’un parfum de printemps, très insolite à cette époque de l’année et de ce jeune homme aussi joli qu’étrange qu’elle avait croisé et qui riait tout seul.
Une sorte de joie lui était venue à le voir rire et elle avait souri, contente.
C'était rue de la Chance, une rue qu’elle empruntait toujours pour rentrer chez elle.
"On ne sait jamais" disait-elle.
C’était très peu de jours, très peu de temps vraiment avant que "ça" se passe.
Et c’était ce parfum...
Le même parfum flottait le jour où tout bougea.